mardi 9 août 2016

Une histoire de clous!

Lors de la visite du site archéologique, votre guide vous montrera des clous de charpente et à bardeau[1], provenant de la chapelle d’origine. Vous leur trouverez peut-être un petit air rabougri? La raison étant que ces clous ne sont plus dans leur état original. Ce sont des clous récupérés par les archéologues et qui attestent de l’intensité de l’incendie qui a détruit la chapelle en 1754.
Des clous sont des objets assez communs aujourd’hui, mais il en allait autrement au 17e siècle. Au début de la colonie montréalaise, on faisait venir de la métropole les clous par barils afin de pouvoir construire les habitations. Éventuellement, des forgerons se sont installés à Ville-Marie. Ces artisans du fer n’étaient pas tous des maîtres d’œuvre, et « nombre de serruriers, d’armuriers, de cloutiers, de taillandiers, de couteliers et de maréchaux-ferrants non patentés […] » s’installèrent dans la colonie[2]. Ils devaient tout de même se procurer la matière première, le fer, en France, car il était interdit d’exploiter des industries dans la colonie.  L’extraction du minerai de fer ne commença véritablement qu’en 1730, quand le roi Louis XV donna le privilège à François Poulin de Francheville, seigneur de Saint-Maurice, le privilège d’extraire du minerai[3].



Et même s’ils avaient eu la matière première à portée de main, les forgerons n’auraient pas pu fabriquer de clous à grande échelle, car l’importation et la vente en revenait aux marchands de Montréal[4]. Donc, la chapelle a été construite avec des clous français!

Évidemment, la chapelle avait des fenêtres – on ne sait pas combien de fenêtres exactement. Nous savons que dans les habitations du début de la colonie, les fenêtres étaient faites d’une sorte de papier ciré, que l’on trouvait plus aisément et à moindre coût que la vitre. Qu’en est-il de la chapelle, construite avant que Montréal n’ait 40 ans? A-t-elle eu des fenêtres de papier ciré remplacé par du verre plus tard? Ou les fenêtres étaient-elles de verre dès la construction? Difficile à dire… Ce qui est certain, c’est que le verre était fabriqué en Europe et qu’il fallait l’importer[5]. Dans notre cas, il était transporté de France par navires, en petits carreaux bien emballés, pour réduire le risque de bris.
Ces morceaux de verre ne sont plus dans leur état original; ils portent les traces de l’incendie qui a détruit la chapelle en 1754. Ils sont tordus par la chaleur du feu, et leur couleur vient de la fumée et des cendres qui se sont déposées sur le verre pendant l’incendie.

Karine Saint-Louis, responsable de l’animation et de l’éducation






[1] Les clous de charpenterie mesurent plus de 7 cm de longueur et les clous à bardeau, environ 4 cm. Rapport final, p. 156.
[2] Robert Tremblay, « Métier de forgeron au Québec », Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-352/m%C3%A9tier_de_forgeron_au_qu%C3%A9bec.html#.Vw-fgNThB-U (page consultée le 13 avril 2016).
[3] Louise Trottier, « Forges du Saint-Maurice », Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-423/Forges_du_Saint-Maurice.html#note3 (page consultée le 14 avril 2016).
[4] Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, p. 157.
[5] Des verreries situées en Normandie ou dans la région de Rouen auraient pu fournir le verre pour les fenêtres de la chapelle. Sur les verreries du Comté d’Eu, voir http://verrerie.e-monsite.com/pages/le-developpement-d-une-industrie/les-differentes-verreries.html (page consultée le 18 avril 2016).

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